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Interview de Romain Campenon : Le système éducatif français en 2025 : 3 enquêtes révèlent l'urgence d'une transformation profonde

Interview de Romain Campenon : Le système éducatif français en 2025 : 3 enquêtes révèlent l'urgence d'une transformation profonde

Bonjour Romain, en tant que fondateur de LearnThings, pouvez-vous nous expliquer comment vos trois enquêtes inédites peuvent inspirer un renouveau éducatif à l'occasion de la Journée Mondiale de l'Éducation ?

En tant que fondateur de LearnThings, je suis convaincu que l'éducation est un pilier essentiel pour construire un avenir meilleur. Les trois enquêtes inédites que nous avons dévoilées à l'occasion de la Journée Mondiale de l'Éducation visent à inspirer un renouveau éducatif en mettant en lumière des défis majeurs et des solutions innovantes.

Dans notre première enquête « L’éducation en France en 2025 : les 10 défis chocs qui démontrent l'urgence d'agir » nous dressons un tableau alarmant des défis auxquels fait face l'éducation en France : pénurie d'enseignants, baisse du niveau scolaire, inégalités sociales, retard numérique, violence scolaire et décrochage.

Dans notre deuxième enquête « La crise des enseignants en France : une bombe à retardement », nous voulions alarmer sur la faite que nous avons connu une chute de 58,6% des candidatures aux concours des personnels enseignants du premier et second degré public depuis 2005.

Finalement, nous voulions aussi donner des pistes de réflexions pour le futur de l’éducation en France. Dans notre 3ème enquête « Les 10 pays qui ont bouleversé l'éducation en 2024 », nous avons voulu mettre en avant des pays qui ont réussi à transformer leur système éducatif grâce à des innovations technologiques, des investissements massifs et des approches pédagogiques avant-gardistes. Par exemple, Singapour excelle dans l'apprentissage hybride, le Royaume-Uni dans la gamification de l'enseignement, et la Chine dans le développement d'une infrastructure éducative numérique.

Ces trois enquêtes offrent une vision à la fois critique et inspirante de l'état de l'éducation en France et dans le monde. Elles montrent que, malgré les défis, des solutions existent et que des pays ont déjà réussi à transformer leur système éducatif. 

Vous mettez en avant l’importance de l’éducation pour les sociétés inclusives. Comment pensez-vous que des initiatives comme les vôtres peuvent réduire le décrochage scolaire en France, notamment ?

Avec LearnThings, ici, notre rôle n’est pas de résoudre directement le décrochage scolaire, mais plutôt d’alerter et de donner des pistes de réflexion. Nous mettons en lumière les problèmes, comme les inégalités sociales, le manque de moyens ou le retard numérique, et nous montrons comment d’autres pays ont réussi à les surmonter.

Malheureusement, faire bouger les choses dans le système éducatif français est un défi de taille. Les réformes prennent du temps, et les changements structurels ne se font pas du jour au lendemain. En attendant, nous nous concentrons sur ce que nous pouvons faire : aider les individus à se former, à se reconvertir ou à acquérir de nouvelles compétences.

L'un de vos points de discussion concerne le taux d'analphabétisme à Mayotte. Quels sont les principaux défis que vous avez identifiés et quelles solutions proposez-vous avec LearnThings pour y remédier ?

À Mayotte, le taux d’analphabétisme est alarmant, avec 43 % des élèves en situation d’illettrisme et 80 % des lauréats du brevet qui ne maîtrisent pas les compétences de base en français, les défis sont multiples et complexes.

Avec LearnThings, nous ne prétendons pas avoir de solution miracle pour Mayotte, mais nous mettons en lumière des pistes de réflexion. Par exemple, il est essentiel de renforcer les moyens alloués à l’éducation dans les territoires ultramarins, en investissant dans les infrastructures, en formant et en stabilisant les enseignants, et en développant des programmes adaptés aux réalités locales.

Singapour et le Vietnam sont souvent cités pour leurs innovations éducatives. Quelles leçons spécifiques tireriez-vous de ces pays et comment peut-on les adapter au contexte français ?

Singapour et le Vietnam sont effectivement des modèles inspirants en matière d’innovation éducative, et il y a beaucoup à apprendre de leur approche.

Pour Singapour, la clé du succès réside dans son investissement massif dans l’apprentissage hybride et dans la valorisation de la créativité des élèves. Par exemple, 60 % des élèves singapouriens atteignent les deux plus hauts niveaux de compétence en pensée créative, bien au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Je pense que nous devrions grandement nous inspirer des méthodes de Singapour et investir davantage dans la formation des enseignants à des méthodes pédagogiques modernes et intégrer davantage le numérique dans les salles de classe, tout en gardant un équilibre avec les fondamentaux.


Pour le Vietnam, c’est leur efficacité malgré des ressources limitées qui impressionnent. Avec des investissements bien inférieurs à ceux de la France, le Vietnam a réussi à démocratiser l’accès à l’éducation (99,7 % des enfants sont scolarisés) et à obtenir des résultats académiques solides, comme en témoigne leur classement dans les enquêtes PISA.

Aujourd’hui, nous le savons, le gouvernement français cherche à faire des économies. Dans ce contexte, nous devrions réfléchir à optimiser l’utilisation de nos ressources en utilisant, de manière raisonnée et logique, les outils numériques pour nous développer. Par exemple, des plateformes d’apprentissage en ligne ou des systèmes de gestion des diplômes sécurisés, comme ceux mis en place au Vietnam, pourraient être des solutions peu coûteuses mais efficaces pour moderniser notre système éducatif.

L’idée n’est pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux. En investissant dans des outils numériques accessibles et bien pensés, nous pourrions améliorer l’accès à l’éducation, réduire les inégalités et offrir des solutions adaptées aux besoins des élèves et des enseignants, tout en respectant les contraintes budgétaires actuelles.

Votre plateforme LearnThings est axée sur les recommandations de formation. Comment voyez-vous son rôle dans la lutte contre le retard numérique dans l'éducation française ?

Alors, disons que LearnThings ne va pas directement lutter contre le retard numérique dans l'éducation française, mais nous avons un rôle clé à jouer en aidant les personnes à mieux se diriger vers les bonnes formations. Aujourd’hui, beaucoup de gens perdent un temps précieux et dépensent de l’argent – par exemple via le CPF – pour des formations qui ne leur correspondent pas ou qui ne leur seront pas utiles dans le futur.

Notre mission, c’est de mieux aiguiller les personnes vers des formations qualitatives, adaptées à leurs besoins et à leurs objectifs. En proposant des recommandations fiables et vérifiées, nous permettons aux apprenants d’éviter les pièges du marché de la formation, où il est facile de se perdre parmi des offres trop nombreuses et parfois peu sérieuses.

En aidant les individus à se former efficacement, nous contribuons indirectement à combler le retard numérique. En effet, des personnes mieux formées, avec des compétences numériques solides, peuvent ensuite participer à la transformation digitale de la société. Mais notre priorité reste de guider les apprenants vers des formations qui en valent vraiment le coup, pour qu’ils puissent maximiser leur potentiel et éviter de gaspiller leur temps et leur argent.

Le manque d'enseignants et la crise de la profession enseignante en France sont des problématiques pressantes. Quel impact cela a-t-il sur la qualité de l'éducation et quelles solutions novatrices envisagez-vous ?

Le manque d’enseignants et la crise de la profession ont un impact direct et très préoccupant sur la qualité de l’éducation en France. Avec de moins en moins de professeurs, les générations actuelles risquent d’être moins bien formées, et cela arrive à un moment crucial : nous vivons une révolution digitale qui change radicalement la manière dont les gens pensent, apprennent et travaillent. Aujourd’hui, la connaissance est accessible en un clic, mais ce dont nous avons besoin, ce sont des enseignants capables de guider les élèves dans cette nouvelle ère, de leur apprendre à apprendre, à analyser et à utiliser ces outils numériques de manière critique.

Les professeurs sont les mieux placés pour relever ces défis, car ce sont des passionnés qui veulent aider leurs élèves. Mais avec la pénurie actuelle, on risque de se tourner vers des solutions à bas coût, comme des classes surchargées ou des outils digitaux mal utilisés. Le problème, c’est que ces outils ne peuvent pas remplacer la connexion humaine et l’expertise pédagogique des enseignants. Les professeurs sont essentiels pour faire le lien entre le monde réel et le numérique, et pour savoir comment utiliser ces outils de manière efficace.

En termes de solutions novatrices, je vois deux axes principaux.

Il faut absolument accompagner les professeurs dans l’utilisation des nouvelles technologies et leur donner les clés pour comprendre comment le cerveau apprend. Cela permettrait de rendre les cours plus interactifs, plus motivants et plus adaptés aux besoins des élèves. Par exemple, au lieu de donner des cours de 10 heures d’affilée, on pourrait explorer des méthodes d’apprentissage plus courtes et plus dynamiques, basées sur les neurosciences.

Les professeurs sont sur le terrain, ils savent ce qui fonctionne ou non. Il faut les impliquer davantage dans la conception des programmes et des outils pédagogiques. Ensuite, il faut tester, évaluer et ajuster en permanence. Si on met en place des outils digitaux, il faut mesurer leur impact réel sur les élèves et s’assurer qu’ils sont bien utilisés.

Malheureusement, en France, le système éducatif est souvent bloquant. Les réformes prennent du temps, et on n’écoute pas assez les enseignants, qui pourtant ont des idées pour améliorer les choses. Il faut débloquer ce système, donner plus de liberté aux professeurs pour innover, et s’inspirer des méthodes qui ont fait leurs preuves ailleurs. Sinon, on risque de continuer à perdre des enseignants motivés et de laisser une génération entière mal préparée aux défis de demain.

La gamification de l'éducation au Royaume-Uni ou l'utilisation de la blockchain au Vietnam sont des exemples intrigants. Pensez-vous que ces technologies pourraient être intégrées dans le système éducatif français et, si oui, de quelle manière ?

Absolument, ces technologies pourraient et devraient être intégrées dans le système éducatif français, car elles offrent des opportunités énormes pour moderniser l’apprentissage et rationaliser les processus administratifs.

Pour la gamification, c’est un outil puissant pour redonner de l’élan à l’éducation. On sait que le cerveau est naturellement attiré par le jeu, et apprendre en s’amusant rend l’expérience beaucoup plus motivante. Les jeux vidéo, par exemple, captivent les jeunes parce qu’ils combinent progression, challenge et plaisir. Pourquoi ne pas appliquer cela à l’éducation ? Plusieurs études montrent que la gamification booste l’engagement et la rétention des connaissances. En gamifiant certaines parties de l’apprentissage, on pourrait rendre les cours plus interactifs, stimuler la créativité des élèves et leur donner envie d’apprendre. Ce n’est plus juste une question de mémorisation par cœur, mais de motivation, de progression et de plaisir.

Pour la blockchain, c’est un autre aspect auquel je pense. Cette technologie pourrait révolutionner l’administration de l’éducation. Par exemple, elle permettrait de digitaliser les diplômes, les certificats et d’autres documents administratifs, ce qui simplifierait énormément les processus et réduirait les coûts. Aujourd’hui, les universités et les établissements scolaires perdent un temps et des ressources considérables dans la gestion papier. La blockchain, en tant que tiers de confiance, pourrait rationaliser ces processus, les rendre plus sécurisés et plus efficaces. Cela libérerait du temps et des ressources pour se concentrer sur l’essentiel : l’enseignement et l’apprentissage.

Pour plus d' informations : https://www.learnthings.fr/

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